
Etendue de la responsabilité de l’architecte chargé d’une mission complète de maitrise d’œuvre envers le maître d’ouvrage
Publié le :
28/11/2024
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2024
Cass. 3e civ., 7 nov. 2024, n° 23-12.315, Publié au bulletin.
Les obligations de l'architecte, principalement établies par le décret n° 80-210 du 20 mars 1980 portant Code des devoirs professionnels des architectes, varient selon l'étendue de la mission qui leur est confiée. Cette mission peut être complète, incluant la conception et le suivi de l'exécution des travaux, ou partielle, selon les besoins du maître d'ouvrage.
Dans le cadre d'une mission complète de maîtrise d'œuvre, l'architecte est responsable de la direction des travaux, de leur conformité avec le permis de construire, les normes en vigueur, et les plans validés par le maître d’ouvrage. Il est tenu d'une obligation de résultat vis-à-vis du maître d'ouvrage, ce qui le rend responsable des fautes d’exécution des entrepreneurs qu’il mandate. En cas de manquement, l'architecte doit assurer une réparation intégrale des préjudices, sauf s'il parvient à prouver un cas de force majeure ou une cause étrangère.
La portée de cette responsabilité et l’interprétation du périmètre des obligations de l’architecte suscitent fréquemment des débats. La Cour de cassation est ainsi régulièrement sollicitée pour trancher sur ces points.
L’arrêt du 7 novembre 2024 illustre clairement cette problématique. Il se posait la question de savoir si un architecte, investi d’une mission complète de maîtrise d'œuvre, devait être tenu pour responsable d’une erreur d’exécution portant sur la surface d’un lot alors même qu’il n’était pas explicitement missionné pour mesurer les surfaces.
Il était aussi question de savoir si le maitre d’ouvrage pouvait se faire indemniser d’une perte de chance de ne pas subir un dommage explicitement constaté par les Juges.
La cour répond par l’affirmative à ces deux questions.
1- Faits et procédure de l’arrêt
Une Société Civile de Construction Vente (SCCV) avait confié à un architecte la maîtrise d'œuvre complète pour la construction d’un immeuble, ultérieurement vendu par lots. La SCCV s’est aperçue que la surface d’un des lots vendus ne correspondait pas à la surface prévue aux plans établis par l’architecte et a ainsi attrait en justice ce dernier aux fins d’obtenir l’indemnisation de son préjudice.Le tribunal judiciaire de Bordeaux (anciennement dénommé tribunal de grande instance de Bordeaux), le 9 janvier 2018, puis la cour d’appel de Bordeaux, le 5 novembre 2020, ont rejeté sa demande, estimant que le certificat de mesurage n’était pas opposable à l’architecte. Cependant, la Cour de cassation a cassé cette décision le 16 février 2022, renvoyant l’affaire devant une autre composition de la même cour d’appel.
Dans un nouvel arrêt du 1er décembre 2022, la cour d’appel de Bordeaux a confirmé le jugement, sauf concernant l’inopposabilité du certificat de mesurage. La SCCV a formé un nouveau pourvoi en cassation le 14 février 2023.
2- La position de la Cour
La Cour de cassation, dans son arrêt du 7 novembre 2024 adopte une position claire concernant la responsabilité des architectes investis d'une mission complète de maîtrise d'œuvre. Au visa de l’article 1147 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, la Cour censure l'arrêt de la cour d'appel pour avoir écarté la responsabilité de l'architecte et refusé la demande d’indemnisation en raisonnant comme suit :- La Cour juge qu’un architecte chargé d'une mission complète est nécessairement responsable de la vérification de la conformité des travaux exécutés avec les plans établis, ce incluant le mesurage des surfaces quand bien même il n’aurait pas expressément de mission complémentaire à ce titre.
En effet, une mission complète inclut nécessairement la direction de l'exécution des travaux, ce qui engage l'architecte à s'assurer que l'ouvrage est conforme aux prévisions contractuelles et aux plans validés par le maître d'ouvrage. En d’autres termes, le devoir de surveillance des travaux de l’architecte est ici en cause et il est sanctionné au visa de la responsabilité contractuelle.
- Ensuite, la Cour rappelle que le maître de l’ouvrage peut solliciter une indemnisation pour la perte de chance de ne pas subir un dommage, en l’occurrence, la perte de chance de vendre le bien à un prix supérieur si la superficie prévue contractuellement avait été respectée.
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Historique
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