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L’action paulienne et la condition d’appauvrissement du débiteur

L’action paulienne et la condition d’appauvrissement du débiteur

Auteur : Jeanne PANDRAUD & Alexis PELLICER
Publié le : 13/02/2025 13 février févr. 02 2025



La Cour de cassation réaffirme que l’action paulienne peut être engagée même si le débiteur n’est pas insolvable. En effet, dans son arrêt du 29 janvier 2025, la Cour considère que « le créancier dispose de l'action paulienne lorsque la cession, bien que consentie au prix normal, a pour effet de faire échapper un bien à ses poursuites en le remplaçant par des fonds plus aisés à dissimuler. Le préjudice du créancier étant ainsi caractérisé, le succès de l'action paulienne n'est alors pas subordonné à la preuve de l'appauvrissement du débiteur. »

L’action paulienne est un mécanisme exercé par un créancier afin de faire déclarer inopposable à son égard un acte d’appauvrissement que le débiteur a commis en fraude de ses droits, comme l’exprime l’article 1341-2 du Code civil.

Elle est ouverte au créancier qui souhaite contester tout acte ayant été établi par son débiteur dans le but de diminuer la valeur de son patrimoine et, ainsi, de diminuer les chances de recouvrement de la créance.

Un acte d’appauvrissement est un acte qui dépouille le patrimoine d’un bien sans contrepartie suffisante ou qui, sans aliéner un bien, diminue fortement la valeur du patrimoine. Pour exemple, il peut être un acte de disposition à titre gratuit ou une vente à un prix inférieur à la valeur réelle du bien.

Il en découle que l’action paulienne est ouverte aux actes patrimoniaux.

A l’inverse, l'action paulienne ne peut pas être engagée contre des actes de nature extrapatrimoniale, comme des actes ayant conduit le débiteur à verser une pension alimentaire ou une prestation compensatoire.

De la même manière, les engagements nouveaux, à savoir les nouvelles dettes contractées par le débiteur, échappent au champ de l’action paulienne.

Les conditions de mise en œuvre de l’action paulienne :

Des conditions cumulatives sont nécessaires pour exercer cette action.

1- Les conditions qui tiennent à la créance :

La créance doit être fondée en son principe à la date de l’acte attaqué. La Haute juridiction a toutefois accepté la mise en œuvre d’une action paulienne pour une créance future, dans le cas où l’acte établi en fraude des droits du créancier avait été conclu antérieurement dans le dessein d’échapper à cette créance future ( Cour de Cassation, Chambre civile 1, du 7 janvier 1982, 80-15.960, Publié au bulletin - Légifrance).

La créance doit être certaine au moment où le juge statue même si cette exigence a été assouplie par la Cour de cassation (Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 24 mars 2021, 19-20.033, Publié au bulletin - Légifrance)

2- L’appauvrissement du débiteur :

L’acte contesté doit avoir contribué à rendre le débiteur insolvable, empêchant ainsi le créancier de recouvrer sa créance et lui cause un préjudice.

Toutefois, la jurisprudence accepte l’action paulienne même en l’absence d’insolvabilité du débiteur, si l’acte frauduleux empêche le créancier d’exercer son droit sur le bien cédé, comme dans le cadre d’une vente ou d’une donation (Cour de Cassation, Chambre civile 3, du 6 octobre 2004, 03-15.392, Publié au bulletin - Légifrance).

Il suffit que l’acte ait diminué le patrimoine du débiteur pour que le créancier puisse agir.

C’est précisément cette solution que la Cour de cassation a confirmé en ce début d’année dans son arrêt du 29 janvier 2025 (Com. 29 janv. 2025, F-B, n° 23-20.836).

3- Les conditions qui tiennent à la fraude :

La fraude du débiteur : L’action paulienne est subordonnée à l’intention frauduleuse du débiteur quand il a réalisé l’acte d’appauvrissement. Ce point ne sera pas le plus difficile à prouver puisque la jurisprudence interprète cette notion de manière large ; le simple fait que le débiteur ait eu conscience du préjudice causé à son créancier par la diminution de son patrimoine, suffit à engager une action paulienne.

La fraude du tiers cocontractant : Pour éviter une fin de non-recevoir, lorsque l’acte a été conclu à titre onéreux, le créancier doit prouver la complicité du tiers cocontractant ainsi que sa mauvaise foi. Il lui suffit de démontrer que ce dernier avait connaissance de la fraude.

En revanche, si le tiers a agi de bonne foi, sans savoir que l’opération réduisait le patrimoine du débiteur, il pourra s’opposer à l’action du créancier.

Une telle connaissance du tiers n’est pas requise lorsqu’il s’agit d’un acte à titre gratuit.

Les effets de l’action paulienne :

L’action paulienne, de nature personnelle, ne bénéficie qu’au créancier qui l’a engagée. Cela implique pour le créancier l’inopposabilité de l’acte frauduleux à son égard, bien que cet acte reste valide entre le débiteur et le tiers.

Ainsi, lorsque l’acte attaqué concerne un bien, celui-ci est réputé ne jamais être sorti du patrimoine du débiteur à l’égard du créancier lésé, lui permettant ainsi d’exercer ses poursuites sur ce bien. Toutefois, l’action paulienne n’a pas pour effet de réintégrer le bien dans le patrimoine du débiteur, ce qui limite son impact aux seuls créanciers demandeurs.
L’article 1341-2 du Code civil précise que l’action est exercée « en son nom personnel », empêchant ainsi un partage du bénéfice avec l’ensemble des créanciers. En ce sens, le bénéfice issu de l’action paulienne ne profite pas aux autres créanciers du débiteur.

La charge de la preuve :

Le créancier qui exerce l’action paulienne doit établir une insolvabilité de son débiteur. Il peut en rapporter la preuve par tous moyens.
Cependant, c’est au débiteur de prouver qu’il a en réalité les moyens de payer et donc de s’acquitter de sa dette envers son créancier.

Retour sur les détails de l’arrêt de la Cour de cassation du 29 janvier 2025 (n°23-20.836).

L’arrêt du 29 janvier 2025 de la chambre commerciale de la Cour de cassation nous remet en mémoire que le prix de la cession d’un bien, qu’il soit conforme au prix du marché ou non, ne constitue pas un obstacle à l’exercice de cette action. Autrement dit, la valeur de la cession, même si elle correspond à celle du marché, n’empêche pas que l’acte soit considéré comme frauduleux si, par cette cession, le bien échappe aux poursuites du créancier et est remplacé par des fonds plus faciles à dissimuler.

En effet, l'idée sous-jacente est que, même lorsque le prix de cession est juste et conforme à la valeur du bien, ce qui compte, c’est l’effet de l’acte sur le patrimoine du débiteur. Si cette vente entraîne une modification du patrimoine qui rend la créance moins recouvrable (par exemple, en transformant un bien tangible en argent liquide plus difficile à saisir ou à suivre), cela peut être suffisant pour que le créancier puisse intenter une action paulienne, peu importe si le prix est jugé "normal" ou "équitable" pour la transaction.

Dans cette affaire, où une société cède son fonds de commerce avant d’être placée en liquidation judiciaire, l’expert-comptable considère cette cession comme frauduleuse. Bien que la Cour d’appel ait rejeté l’action, estimant que l’insolvabilité du débiteur n’était pas prouvée, la Cour de cassation a cassé cette décision, soulignant que la condition d’appauvrissement n’est pas requise dès lors que le préjudice du créancier est caractérisé par le remplacement du fonds par le prix de la vente « plus [aisé] à dissimuler »

L’arrêt confirme ainsi la souplesse de la jurisprudence, qui permet de préserver l’action paulienne même sans preuve de l’appauvrissement du débiteur.

Avec cette nouvelle décision, la Haute juridiction vient renforcer l’outil de recouvrement de créance dont dispose les créanciers face à la vente frauduleuse d’un bien.

L’équipe du cabinet Pivoine Avocats suit de près l’application de cette jurisprudence et se tient à vos côtés pour vous accompagner et vous conseiller.

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