
Non-application du principe de l’interdiction de reprise des poursuites au conjoint commun en biens
Auteurs : Marilyne Benoit, Marion Fau et Ghislaine Betton
Publié le :
20/06/2022
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06
2022
Com., 2 février 2022, n°20-18.791
L’article L.643-11 du Code de commerce pose le principe d’interdiction de reprise des poursuites individuelles à la clôture de la liquidation judiciaire pour insuffisance d’actif, selon lequel « le jugement de clôture de liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif ne fait pas recouvrer aux créanciers l'exercice individuel de leurs actions contre le débiteur ». Cette règle, très favorable au débiteur, lui permet d’échapper aux poursuites de ses créanciers et de « repartir de zéro » une fois la procédure clôturée.
En l’espèce, le 21 décembre 2007, une banque a consenti à 2 époux mariés sous le régime de la communauté et engagés solidairement, un prêt de 285 000 €, destiné au financement de l’acquisition d’un bien immobilier. Le 3 août 2011, l’époux a été mis en liquidation judiciaire ; la banque a déclaré sa créance, laquelle a été admise à titre privilégié hypothécaire. L’immeuble a par la suite été vendu par le liquidateur, remboursant partiellement la banque. Au mois de janvier 2014, la liquidation judiciaire ouverte à l’encontre de l’époux a été clôturée pour insuffisance d’actif. Un fonds commun de titrisation, cessionnaire de la créance de la banque, a fait pratiquer une saisie-attribution sur le compte bancaire de l’épouse en 2018, contestée par celle-ci.
La Cour d’appel de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION, dans un arrêt du 3 avril 2020, a rejeté sa demande de mainlevée de la saisie-attribution.
L’épouse se pourvoit alors en cassation, au motif que l’interdiction de la reprise des poursuites individuelles à la clôture d’une liquidation judiciaire pour insuffisance d’actif s’étend à l’ensemble des poursuites ne pouvant être exercées à la clôture de la procédure. Aucune poursuite ne pouvant être exercée, durant la procédure, afin d’obtenir paiement d’une créance hypothécaire contractée par 2 époux communs en bien et garantie par un immeuble commun, lequel appartient, pour sa totalité, au patrimoine du débiteur et constitue ainsi le gage des créanciers, la Cour d’appel, en rejetant sa demande de mainlevée de la saisie-attribution, a violé les articles L.622-21 et 643-11 du Code de commerce.
La question était donc de savoir si le conjoint commun en biens pouvait se prévaloir du principe de l’interdiction de reprise des poursuites individuelles bénéficiant au débiteur.
La Cour de cassation répond par la négative et rejette le pourvoi, au motif que l’époux commun en biens, codébiteur solidaire d’un emprunteur objet d’une liquidation judiciaire clôturée pour insuffisance d’actif, ne peut invoquer l’interdiction de reprendre les poursuites contre son conjoint prévue à l’article L.643-11 du Code de commerce, ne lui profitant pas en raison de sa qualité de débiteur tenu d’une obligation distincte.
Cette solution n’est guère surprenante, la Chambre commerciale ayant déjà jugé, concernant le dirigeant garant ou le codébiteur solidaire, que « si le jugement de clôture de la liquidation judiciaire ne fait pas recouvrer aux créanciers l’exercice de leurs actions contre le débiteur, cette exception purement personnelle au débiteur ne peut être opposée par le codébiteur solidaire » (Com., 24 mars 2004, n°01-17.288).
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