
Procédures collectives : La soumission des créances salariales à la règle de l’arrêt des poursuites individuelles
Auteurs : Laudine Malatray, Maria Haned et Ghislaine Betton
Publié le :
29/11/2021
29
novembre
nov.
11
2021
1.Il n’est pas rare que l’articulation entre le droit des procédures collectives et le droit des procédures civiles d’exécution pose des difficultés théoriques et pratiques.
En effet, ces procédures sont intrinsèquement contraires, en ce que la première tend vers le respect de l’intérêt collectif des créanciers par un paiement égalitaire, tandis que la seconde est guidée par l’intérêt individuel, le paiement étant au profit du premier saisissant.
2.Afin de garantir l’efficacité et le bon déroulement des procédures collectives, le législateur a prévu plusieurs règles dérogeant à celles encadrant les procédures civiles d’exécution.
Parmi ces règles, l’arrêt des poursuites individuelles et procédures civiles d’exécution permet de faciliter les opérations de restructuration du débiteur en difficulté, en rendant inaccessible son patrimoine des actions de ses créanciers.
Réglementé par l’article L.622-21 du Code de commerce (applicable sur renvoi des articles L. 631-14 et L.641-3 du même code pour les procédures de redressement et de liquidation judiciaire), ce principe est caractérisé par :
- L’interruption ou l’interdiction de toute action en justice des créanciers tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ou à la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent, antérieurement au jugement d’ouverture ;
- L’arrêt ou l’interdiction de toute procédure d'exécution sur les meubles et immeubles ainsi que toute procédure de distribution n'ayant pas produit un effet attributif avant le jugement d'ouverture.
- Celles nées régulièrement après le jugement d'ouverture, de la procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire, pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d'observation, ou en contrepartie d'une prestation fournie au débiteur pendant cette période ;
- Celles nées pour les besoins ou au cours du maintien provisoire de l'activité en procédure de liquidation judiciaire.
En effet, ces créances ne sont – pour mémoire, pas soumise à déclaration ce qui interroge quant à leur traitement.
4.En l’espèce, une société a été condamnée à verser des dommages-intérêt à un de ses anciennes salariées, par le Conseil de Prud’hommes de PARIS.
En cause d’appel, une procédure de sauvegarde a été ouverte au bénéfice de l’employeur et le mandataire judiciaire est régulièrement intervenu à l’instance.
La Cour d’appel de PARIS a confirmé la décision des premiers juges et a, ainsi, condamné la société au paiement de certaines sommes.
Il reste qu’au cours de l’exécution du plan de sauvegarde et au constat de l’absence de règlement des condamnations, l’ancienne salariée a fait délivrer à la société un commandement de payer aux fins de saisie-vente.
La société en a demandé la mainlevée, motif que ces mesures d’exécution forcée étaient contraires aux règles d’ordre public du Livre VI du Code de commerce.
Pour autant, la salariée a cru bon devoir assigné le commissaire à l'exécution du plan en exécution forcée. C’est dans ce cadre que la Cour d’appel a fait droit à ses demandes, considérant que le juge de l'exécution ne pouvait modifier le dispositif de l’arrêt qui n'avait pas a fixé la créance du salarié au passif de la société, mais seulement condamné l’employer à payer certaines sommes à la salariée.
5.Dès lors, une créance de dommages-intérêt et constatée par un titre exécutoire, peut-elle permettre au salarié de faire pratiquer des mesures d'exécution forcée à l’encontre de l’employeur bénéficiant d'un plan de sauvegarde ?
La Cour de cassation a répondu négativement à cette question, considérant que « si les créances salariales ne doivent pas être déclarées au passif de la procédure collective, elles sont toutefois soumises à l'arrêt des poursuites individuelles et des procédures civiles d'exécution ».
En effet, la Haute Juridiction a précisé que dès lors que le jugement de condamnation porte sur une créance antérieure au jugement d’ouverture de la procédure collective, il appartenait à la Cour d’appel de constater que ce jugement interdisait la mise en œuvre de procédures d'exécution forcée à l’encontre de l’employeur et, par conséquent, qu’elle devait ordonner la mainlevée de celles qui avaient été pratiquées.
6.Si l’arrêt des poursuites individuelles et des procédures civiles d'exécution a, classiquement, pour corollaire le principe de déclaration des créances antérieures, il n’en va pas de même concernant les créances salariales.
En effet et quand bien même les salariés sont dispensés de cette obligation (C. com., art. L.622-24, al.1), cette dispense n’a pas d’incidence sur le principe de l’arrêt des poursuites individuelles et procédures civiles d'exécution qui s’applique dès lors que la créance était considérée comme antérieure au jugement d’ouverture.
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