
Tierce opposition dans le contexte d’une procédure collective
Auteurs : Marion Fau, Elisa Teyssier, Ghislaine Betton
Publié le :
29/03/2021
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2021
un formalisme proportionné
Com., 17 février 2021, n°19-16.470La réglementation relative aux formalités à observer pour former un recours vise à assurer une bonne administration de la justice et le respect, en particulier, du principe de sécurité juridique.
Elle ne doit cependant pas empêcher un justiciable de se prévaloir d’une voie de recours disponible.
C’est sur le respect de cette exigence de proportionnalité qu’a eu à se prononcer la Haute juridiction, dans l’arrêt reporté, s’agissant du formalisme à observer pour la déclaration de tierce-opposition contre un jugement arrêtant un plan de redressement.
En l’espèce, un Tribunal arrête un plan au profit d’une société, un créancier, dont la créance était incluse dans le plan, a exercé une tierce-opposition à l’encontre de ce jugement, par une lettre recommandée adressée par son Conseil au greffe.
La Cour d’appel ayant jugé ce recours irrecevable, le créancier a formé un pourvoi en cassation, en arguant que la déclaration de tierce-opposition pouvait être écrite ou orale, dès lors qu’elle était remise au greffe et que les juges du fond avaient fait preuve d’un excès de formalisme, en exigeant que cette dernière soit faite par comparution, alors que cette exigence n’est pas prévue par les textes.
De plus, le créancier soutenait qu’en tout état de cause, si l’irrégularité de forme de la déclaration de tierce-opposition s’avérait retenue, elle ne pouvait constituer une fin de non-recevoir qu’à condition de causer un grief pour le contradicteur.
La Cour de cassation a approuvé l’arrêt d’appel aux motifs :
- d’une part, que la lettre recommandée avec demande d’avis de réception ne peut être assimilée à la déclaration au greffe, exigée à l’article R.661-2 du Code de commerce, laquelle nécessite la présentation physique d’une personne audit greffe,
- que, d’autre part, les juges ont retenu que la tierce-opposition faite autrement que par déclaration au greffe était irrecevable, comme ne répondant pas au mode de saisine de la juridiction prescrit par la loi, sans que celui qui en fait état, n’ait à démontrer un grief.
En appliquant cette solution au recours en cause en l’espèce, la Haute juridiction retient que : « les modalités formelles de la tierce-opposition, aussi strictes soient-elles, n'ont pas pour effet de priver les créanciers de l'exercice de ce recours ».
En effet et ainsi que le soulignent les juges, ceux-ci ont toute latitude, en cas d’impossibilité pour eux de se déplacer au greffe, de mandater un avocat.
En l’espèce, la déclaration par lettre recommandée avait été adressée au greffe par le Conseil du créancier, de sorte que : « l'exigence d'une présentation au greffe n'avait pas restreint l'accès ouvert à ce créancier à un point tel que son droit d'accès à un tribunal s'en était trouvé atteint dans sa substance même ».
La Haute juridiction estime donc qu’il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre l'exigence d'un déplacement, afin de faire la déclaration, assurant une fiabilité maximale, sans pour autant induire des coûts importants pour les contestants et le but visé, à savoir le traitement rapide des affaires compte tenu des enjeux économiques pour le débiteur, ses créanciers mais également ses salariés.
Si un rappel sur ces différents points était visiblement nécessaire, cette solution n’est pas nouvelle.
La Cour de cassation, depuis plusieurs années, mentionne que les conditions dérogatoires de forme, applicables à la tierce-opposition en redressement et liquidation judiciaires, s’imposent aux tiers opposants désireux de l’utiliser (Com., 6 juillet 1999, n°97-14.158).
Sur ce point, les juridictions avaient notamment déjà pu juger irrecevable, sans que la preuve d’un grief n’ait à être rapportée, la tierce opposition faite par conclusions (CA PARIS, 27 mars 2001) ou par voie d’assignation (Com., 26 avril 2000).
De plus, la conformité de ce formalisme avec les principes fondateurs de la Convention européenne des droits de l’homme avait déjà été reconnue par la Haute juridiction (Com., 27 octobre 1998).
Enfin, la sanction applicable, à savoir l’irrecevabilité du recours, invocable en tout état de cause, est également admise en jurisprudence depuis des années (Com., 9 avril 1991, n°89-16.915
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