
Précisions sur l’articulation entre l’action en revendication du crédit-bailleur et la prescription biennale prévue par le Code de la consommation.
Auteurs : Julien Skeif, Ghislaine Betton et Flavie Bost
Publié le :
27/06/2022
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2022
Par un arrêt du 25 mai 2022 , la première chambre civile de la Cour de cassation vient de préciser que la prescription biennale prévue par le code de la consommation n’est pas applicable au crédit-bailleur agissant en revendication de son bien lorsque le crédit-preneur n’a pas levé l’option d’achat.
Comme nous l’exposions dans un récent article, l’article 2224 du Code civil prévoit que, par principe, le délai de prescription de droit commun, c’est-à-dire celui au-delà duquel une partie ne peut plus engager une action en justice, est de 5 ans lorsqu’aucun texte ne spécifie une durée différente.
Par exception, en application de l’article L.218-2 précité, les professionnels qui fournissent des biens ou des services aux consommateurs sont soumis à une prescription biennale (de deux ans) pour agir en justice.
Après l’expiration de ce délai, le professionnel ne peut donc plus engager de poursuites judiciaires à l’encontre du consommateur.
Par ailleurs, pour mémoire, le crédit- bail ou " leasing ", est une opération financière par laquelle un établissement de crédit appelé "crédit-bailleur" donne en location un bien à un locataire appelé "crédit-preneur".
Le crédit-preneur peut ensuite décider, à un moment quelconque du contrat (généralement à son échéance), de devenir propriétaire du bien en levant l’option d’achat que lui confère ce dernier.
Dans le cadre de l’exécution du crédit-bail, lorsque le crédit-preneur se rend responsable de défauts de paiement entrainant sa résiliation, ou lorsqu’il ne lève pas l’option d’achat, il doit par principe restituer au crédit-preneur le bien mis à sa disposition.
S’il ne le fait pas, l’établissement de crédit a la possibilité de demander en justice la restitution de son bien en introduisant une action en revendication, c’est-à-dire une action en justice permettant de faire reconnaître et sanctionner un droit de propriété.
En cas de succès, une telle action aboutit à la restitution du bien objet du droit de propriété revendiqué.
Compte tenu de ce qui précède, la question s’est posée de savoir si le crédit-preneur ayant la qualité de consommateur pouvait invoquer la prescription biennale du code de consommation pour échapper à l’action en revendication introduite par le crédit-bailleur.
C'est à cette question originale que l’arrêt commenté apporte une réponse.
En l’espèce, à l’arrivée du terme d’un crédit-bail portant sur un véhicule automobile, le crédit-bailleur a mis en demeure le crédit-preneur de lever l’option d’achat ou, à défaut, de lui restituer le véhicule objet du contrat.
Ce courrier étant resté lettre morte, le crédit-bailleur a donc assigné son cocontractant en restitution du véhicule et en paiement d'une indemnité en réparation de son préjudice de jouissance.
Pour sa défense, le crédit-preneur a soulevé la prescription biennale prévue à l’article L.218-2 du code de consommation dans la mesure où le terme du contrat était survenu le 27 octobre 2013 alors que l’action en revendication n’avait été introduite par le crédit-bailleur que le 20 avril 2016.
En appel, les juges du fonds montpelliérain ont rejeté cet argumentaire considérant que la prescription prévue par le code de la consommation n'était pas applicable à la cause, et que l'action en restitution était recevable.
Le crédit-preneur a alors réitéré son argumentaire devant la Cour de cassation en faisant à valoir que l'action en restitution du crédit-bailleur à son encontre, sur le fondement du crédit-bail, était une action personnelle mobilière soumise à la prescription extinctive biennale, puisque formée à l’encontre d’un consommateur.
Cependant, la haute Cour a rejeté le pourvoi en estimant que « l’article L. 218-2 du code de la consommation (…) n'est pas applicable à l'action formée par le crédit-bailleur qui, après l'expiration du contrat ayant pour objet la location d'une voiture, en demande la restitution au preneur n'ayant pas levé l'option d'achat ».
Afin de justifier cette solution, la première chambre civile rappelle :
- Que les articles 2227 et 2266 du Code civil disposent en substance que le droit de propriété est imprescriptible et qu’il n’est pas possible d'acquérir la propriété d’un bien par son utilisation prolongée ;
- Qu’en conséquence l’action en revendication n’est pas susceptible de prescription extinctive.
La solution mérite d’être approuvée dans la mesure où elle opère un rappel rigoureux des règles fondamentales régissant le droit des biens, et justifie ce faisant un cantonnement raisonnable des règles de protection du consommateur eu égard aux droits dont dispose tout propriétaire sur son bien.
Cette décision illustre du reste le fait que malgré son utilisation extrêmement usuelle en pratique, le crédit-bail, en raison de sa nature mixte atypique (bail – financement – vente) soulève encore des problématiques juridiques méritant, le cas échéant, de bien dresser l’inventaire de ses droits et obligations.
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